Les Trois Messes basses

Première publication

Conte publié d’abord dans les Contes du lundi (1875) puis inclus dans le recueil des Lettres de mon moulin (1878).

Résumé

Lors de la nuit de Noël, le sacristain Garrigou, représentant le diable, va faire commettre au révérend dom Balaguère un péché de gourmandise. En effet, chargé de célébrer trois messes consécutives, le saint homme ne pense qu’au réveillon qui l’attend après son office. Si la première messe se passe presque sans encombre, les deux autres se succèdent à un rythme de plus en plus effréné. La clochette de Garrigou tinte pour l’inciter à se dépêcher. Pris d’une folie de gourmandise, le prêtre escamote la dernière messe à tel point qu’il en devient inaudible. Après l’office, impatient de festoyer, dom Balaguère s’empiffre et boit tant et si bien qu’il meurt d’une attaque au cours de la nuit. Pour ce crime dont il n’a pas pu se repentir de son vivant, il sera condamné à redire au même endroit trois cents messes.

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Extrait

C’est la troisième messe qui commence. Il n’y a plus que quelques pas à faire pour arriver à la salle à manger ; mais, hélas ! à mesure que le réveillon approche, l’infortuné Balaguère se sent pris d’une folie d’impatience et de gourmandise. Sa vision s’accentue, les carpes dorées, les dindes rôties sont là, là… Il les touche… il les… Oh ! Dieu !… Les plats fument, les vins embaument ; et, secouant son grelot enragé, la petite sonnette lui crie :

« Vite, vite, encore plus vite !… »

Mais comment pourrait-il aller plus vite ? Ses lèvres remuent à peine. Il ne prononce plus les mots… À moins de tricher tout à fait le bon Dieu et de lui escamoter sa messe… Et c’est ce qu’il fait le malheureux !… De tentation en tentation il commence par sauter un verset, puis deux. Puis l’épître est trop longue, il ne la finit pas, effleure l’Évangile, passe devant le Credo sans entrer, saute le Pater, salue de loin la préface, et par bonds et par élans se précipite dans la damnation éternelle, toujours suivi de l’infâme Garrigou (vade retro, Satanas !) qui le seconde avec une merveilleuse entente, lui relève sa chasuble, tourne les feuillets deux par deux, bouscule les pupitres, renverse les burettes, et sans cesse secoue la petite sonnette de plus en plus fort, de plus en plus vite.

Bibliographie

René NOUAILHAT, « Religion sans croyance. Sur quelques figures ecclésiastiques des Lettres de mon moulin », Le Petit Chose, n° 95, 2006, p. 7-19

Liens

Consulter l’œuvre intégrale (gallica.fr)

Écouter le conte (litteratureaudio.com) – Donneuse de voix : Romy Riaud