Dans les années 1880, l’écriture artiste marque un regain d’intérêt pour les questions de langue ainsi que la volonté de renouveau d’écrivains qui entendent se démarquer d’une « littérature encore toute rhétoricienne » en créant leur vocabulaire et leur syntaxe. On ne saurait la réduire au rôle symbolique d’étendard dans la bataille littéraire qui oppose Goncourt à Zola. Marqueur social, écran protecteur, elle dit le désir de distinction d’une élite artiste qui multiplie les signes d’appartenance et rejette « le langage omnibus» des journaux et de la littérature commerciale. Disloquée, émiettée, hystérisée, elle porte la marque d’un nervosisme douloureux qui apparaît alors emblématique d’une sensibilité d’époque. Pendant deux décennies, elle va s’imposer, suscitant de stimulantes réflexions chez Goncourt, Rosny, Gourmont; elle devait favoriser l’éclosion de formes nouvelles chez Péladan ou Dujardin et Proust fut un peu son héritier. Objet de nombreuses critiques, parfois même chez ses propres créateurs, elle amena parfois à confondre l’artiste et l’esthète.
Pierre-Jean Dufief est professeur émérite à l’Université de Paris Ouest Nanterre ; il a travaillé sur le roman de la seconde moitié du XIXe siècle, sur les correspondances et journaux intimes ; il est président de la Société des amis des frères Goncourt.
Gabrielle Melison-Hirchwald est maître de conférences à l’Université de Lorraine. Elle est comparatiste et travaille sur le lexique. Spécialiste d’Alphonse Daudet, elle est secrétaire générale de la Société des amis d’Alphonse Daudet.
ÉCRIRE EN ARTISTES DES GONCOURT À PROUST
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